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Comment les entreprises pratiquent l’exnovation pour réinventer leurs formations
26 NOVEMBRE 2024 / pratiques
Patrick Benammar
vice-president learning & development
groupe renault
Jean-Roch Houllier
head of operations, learning & digital
groupe safran
Xavier Voilquin
director training operations emea
medtronic
Abandonner pour mieux avancer : l’exnovation s’impose comme une réponse indispensable aux défis des Directions Formation. En guise de rebond sur une première exploration de ce concept (L’exnovation, quand le département formation ose faire table rase), Patrick Benammar (Renault Group), Jean-Roch Houllier (Safran Université) et Xavier Voilquin (Medtronic) reviennent sur ses applications concrètes. Refonte des programmes, évolution des outils, pilotage stratégique : ils détaillent comment le tri minutieux entre ce qui doit être conservé, ajusté ou abandonné contribue à faire de la place à une innovation mieux alignée sur les objectifs business.

Faites-vous régulièrement l'inventaire des programmes de formation, des pratiques, des outils afin de décider ce qui est à conserver ou à « exnover » ?

Patrick Benammar : Il est impératif de revoir chaque année les programmes de formation proposés aux collaborateurs de Renault Group ; en effet, l’accélération technologique et l’évolution de nos outils et méthodes de travail nous amènent à faire évoluer notre offre de formation de façon très sensible chaque année.

Jean-Roch Houllier : Notre offre de formation comprend 200 programmes stratégiques revisités annuellement avec l’ensemble des garants métiers afin de rester pleinement alignés sur les enjeux et les besoins de l’entreprise. Un plan d’innovations pédagogiques et digitales, construit sur trois ans avec une fenêtre glissante d’un an, permet de soutenir les ingénieries avec le déploiement et le pilotage de nombreuses innovations (identification, déploiement, industrialisation et retrait).

Xavier Voilquin : Sur mon périmètre d’académie des ventes monde, l’exnovation n’est pas forcément un processus bien établi auquel le département s’astreindrait rituellement à un moment clé de l’année. Elle s’opère de manière plus organique, au gré du benchmarking que nous opérons en matière de pratiques et d'outils, et en fonction des objectifs stratégiques de court, moyen et long terme de la société et que nous devons accompagner.

Comment procédez-vous ? En particulier, quels sont les critères qui vous permettent de prendre ces décisions ?

Patrick Benammar : Nous analysons notamment le nombre de sessions réalisées pour chaque action de formation, le taux de remplissage des sessions et le taux de satisfaction des apprenants ; l’avis des formateurs et des experts associés à ces formations nous est également très important. Plus de 50 % des heures de formation étant animées par des formateurs internes, nous pouvons nous appuyer sur leurs conseils pour faire évoluer nos programmes. En parallèle, les revues annuelles avec les organismes de formation partenaires de Renault Group nous aident aussi à détecter les améliorations à apporter aux programmes diffusés à nos collaborateurs.

Jean-Roch Houllier : Les comités métiers garantissent une forte liaison des « posologies formatives » avec les enjeux et les besoins business. Le pilotage des déploiements des formations opérationnel (nombre de sessions, sociétés participantes, zones géographiques, etc.) et qualitatif (analyse des évaluations et des impacts, revue avec les formateurs internes et les organismes de formation) nourrit notre prise de décision. Dans une démarche d’ingénierie et de déploiement / amortissement, nous revisitons annuellement de 20 % à 30 % de nos programmes stratégiques, dans une gouvernance des formations à trois niveaux : les programmes stratégiques de formation (conçus et délivrés par l’université), les programmes de formation dits « labellisés » (conçus par l’université et délivrés par les sociétés du Groupe), enfin les programmes de formation sociétés (conçus et délivrés par les sociétés du Groupe). Ces trois niveaux permettent également des passages (« vase communicant ») d’une formation d’un niveau à l’autre. Ainsi, si, par exemple, une formation « labellisée » est utilisée par plusieurs sociétés, elle peut devenir éligible au niveau stratégique.

Xavier Voilquin : Hors les programmes de formation répondant à des besoins business, qui font davantage l’objet d’un management de l’offre que d’exnovation, les pratiques et les outils sont particulièrement sujets à l’exnovation. En matière de pratiques, nous restons à l’écoute du marché (benchmarking) pour faire évoluer nos modalités et coller aux nouveaux modes d’apprentissage (formats visuels plus courts, jalonnés dans le temps, bootcamps, etc.). De nouvelles pratiques qui viennent remplacer certaines anciennes. Les technologies de formation et les pratiques qu’elles induisent naturellement constituent un driver privilégié d’exnovation / innovation, par exemple, dans le champ de l’AFEST. Le besoin d’exnover s’impose souvent de lui-même. J’en veux pour exemple notre offre VR qui a rencontré un très fort engouement il y a plusieurs années, encouragé par les contraintes soudaines liées au Covid ; il nous est ensuite apparu que le déploiement massif de ce modèle poserait un problème… Résultat : cette approche générale a été exnovée, sans abandon toutefois d’une pratique de la VR ciblée sur des produits bien spécifiques à l’appui de cours plus traditionnels. Je pense également à une technologie innovante liée à des algorithmes qui a rencontré son public interne, mais qu’il nous a fallu exnovée parce qu’elle était aujourd’hui dépassée par l’avènement de l’IA.

Est-ce que la pratique de l'exnovation peut vous aider à améliorer votre approche de l'innovation en formation ?

Patrick Benammar : Oui, en abandonnant certaines actions ou modalités de formation ou en renonçant à certaines activités très consommatrices de ressources ; par exemple, le passage en distanciel ou en blended de certaines formations a permis de réduire les temps de déplacement de nos collaborateurs en optimisant leur temps de formation ; la formation de formateurs relais, sur le terrain, contribue aussi fortement à cette dynamique !

Jean-Roch Houllier : Il s’agit surtout là de rester pleinement au fait et de s’assurer de l’adéquation permanente de nos approches et innovations avec les enjeux et les besoins de l’entreprise. Cela passe par une veille active et tout particulièrement une capacité permanente à remettre en cause ses acquis !

Xavier Voilquin : Les nouvelles pratiques et les outils que nous benchmarkons, sourçons et déployons sont autant d’expériences qui nous permettent d’affiner notre approche d’une offre toujours plus innovante, pertinente et efficiente. Pour autant, je doute que cette pratique de l’exnovation suffise à améliorer notre approche de l’innovation… Laquelle me semble bien plutôt reposer sur une approche volontariste du développement d’un esprit curieux et d’une agilité dans l’équipe formation monde, sans oublier le désir d’être toujours plus proche des besoins business et des commanditaires.

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